samedi 26 février 2011

Mal inspiré de vouloir jouer l'éclairé !

La lanterne magique,
pour les enfants qui n'ont pas l'idée de son mécanisme,
semble quelque chose qui touche au merveilleux.

C'est une sorte de grande boite,
ordinairement en fer-blanc,
qui porte à l'une de ses extrémités une grosse lentille de verre très épaisse.
Dans une coulisse pratiquée derrière cette lentille,
on fait passer de longues plaques de verre,
sur lesquelles des figures peintes représentent des sujets variés,

On tend un grand drap ou un rideau blanc contre les parois d'une chambre obscure, et les figures s'y reflètent, en grossissant beaucoup. La personne qui fait glisser les verres doit, à mesure que les scènes passent devant les spectateurs, leur en donner des explications divertissantes.

Par un phénomène d'optique assez singulier, si on place les personnages dans leur position naturelle, ils se trouveront la tête en bas ; mais en les mettant d'une manière contraire, ils seront sur leurs pieds.
Nous allions oublier l'essentiel, mais il nous semble que l'intelligence de nos enfants y eût suppléé. Nous allons voir s'ils comprennent ce que nous voulons dire en leur récitant la fable suivante ; s'ils ne nous comprennent pas, il en résultera ce qui est arrivé à certain singe :

Un jour qu'au cabaret son maître était resté
(C'était, je pense, un jour de fête),
Notre singe en liberté
Veut faire un coup de sa tête :
Il s'en va rassembler les divers animaux
Qu'il peut rencontrer dans la ville ;
Chiens, chats, dindons, pourceaux,
Arrivent bientôt à la file.

Entrez, entrez, messieurs ! criait notre Jacqueau ,
C'est ici, c'est ici qu'un spectacle nouveau
Vous charmera gratis : oui, messieurs, à la porte
On ne prend pas d'argent ; je fais tout pour l'honneur.»

A ces mots, chaque spectateur
Va se placer, et l'on apporte
La lanterne magique : on ferme les volets,
Et par un discours fait exprès
Jacqueau prépare l'auditoire.
Ce morceau, vraiment oratoire,
Fit bâiller, mais on applaudit.
Content de son succès , notre singe saisit
Un verre peint qu'il met dans sa lanterne.

Il sait comment on le gouverne
Et crie en le poussant : « Est-il rien de pareil ?
Messieurs, vous voyez le soleil,
Ses rayons et toute sa gloire !
Voici présentement la lune ; et puis l'histoire
D'Adam, d'Ève et des animaux....
Voyez, messieurs ; comme ils sont beaux !
Voyez la naissance du monde ! Voyez.... »

Les spectateurs, dans une nuit profonde,
Écarquillaient leurs yeux et ne pouvaient rien voir ;
L'appartement, le mur, tout était noir.
« Ma foi, disait un chat, de toutes les merveilles
Dont il éblouit nos oreilles
Le fait est que je ne vois rien.
— Moi, disait un dindon , je vois bien quelque chose ;
Mais je ne sais pour quelle cause
Je ne distingue pas très-bien. »

Pendant tous ces discours, le Cicéron moderne
Parlait éloquemment et fie ne lassait point.
Il n'avait oublié qu'un point :
C'était d'éclairer sa lanterne.
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